[Feedback] Shure SE846 vs Tralucent Ref 1

Après quelques mois à voyager dans le monde des écouteurs intra-auriculaires haut de gamme, il était temps d’accorder une écoute sérieuse à ces deux merveilles. En voici mes conclusions.

Ref1-SHURE

Les forces en présence

Tralucent Audio a fait son entrée sur le marché des constructeurs d’intras en 2012. Wong Heung Chi – alias Gavin –, son créateur, possède un équipement audio à se damner et son ambition n’est pas des moindres puisqu’elle consiste à s’approcher le plus possible du son sédentaire avec des intras. De cette philosophie naissent les 1+2, qui acquièrent rapidement une grande réputation en dépit de réserves suscitées par le côté artificiel de leur soundstage. Sortis au printemps 2014, les REF 1 vont-ils faire l’unanimité ?

De son côté, Shure, du nom de son créateur Américain Sidney N. Shure, est une entreprise presque centenaire connue mondialement pour fabriquer entres autres des microphones appréciés des musiciens et chanteurs, amateurs ou stars mondiales. Depuis une dizaine d’années, la firme s’est cependant diversifiée en fabriquant des casques et des intras dont beaucoup sont devenus des références. Les SE 846, sortis au mois de mai 2013, constituent le nouveau modèle phare de Shure en matière d’intras.

Instruments de travail

– Un HM 901 en symétrique et high gain
– Un Sony F 886 avec ou sans clear audio
– Des Tralucent Ref 1 avec les câbles Silver/Gold et Whiplash (environ 300h d’écoute)
– Des Shure SE 846 avec filtre bleu « neutre » (environ 45h d’écoute)
– Un Fiio HS 2 pour les test A/B
– Quelques morceaux de musique : toujours les mêmes à peu de chose près : des titres que j’ai écoutés des centaines de fois, ce qui me permet de détecter toute variation dans le rendu sonore. On y retrouve notamment :

Dire Straits : On every street, Telegraph road, Private investigations
Bob Dylan : Workingman’s blues, I want you
The Rolling Stones : Wild horses, Sympathy for the devil, Brown sugar
Vivaldi : Late concertos
Bach : Ouverture de la Passion selon Matthieu
Mike Oldfield : Songs of distant earth

Au service de ce feedback, il faut ajouter :

– Deux oreilles qui ne sont des pros ni de l’acoustique, ni de la musique mais qui ont eu envie, après avoir entendu quelques intras de renom, de partager le plaisir de l’écoute au travers de cet article ;
– Une part de subjectivité assumée et un gros brin d’objectivité sans lequel ces lignes ne serviraient à rien.

Prix, packaging et consorts

Les Tralucent Ref 1 : Ils ont livrés dans une «  boîte à chaussure » au sein de laquelle se trouve la traditionnelle boîte pélican avec le câble et des embouts Ortofon, une belle boîte style velours m’as-tu-vu dans laquelle sont rangés les intras, d’autres embouts, une brosse de nettoyage et un adaptateur 6.35 mm.
Cette ensemble vous coûtera la modeste somme de 1300 euros (il faut dire qu’en six mois l’évolution du taux de change a fait monter la note de 120 euros).

Les Shure SE 846 : Shure propose de loin le package le plus complet qu’il m’ait été donné de voir et donne véritablement l’impression d’en avoir pour son argent. Tout ce que l’on a évoqué à propos des Ref 1 est présent, plus un second câble, 3 paires de filtres, la clé permettant de les mettre ou enlever et un adaptateur avion. Shure propose un contenu plus conséquent à un prix plus doux, à savoir 1000 euros environ.

Le son

Impressions générales

Avant toute chose, je tiens à préciser que je dois faire partie des rares personnes qui ont un meilleur fit avec les Ref 1 qu’avec les Shure 846, ce qui peut avoir influencé mon ressenti. Alors quelles sont ces impressions ?

La différence que j’entends immédiatement est celle du soundstage : celui des Ref 1 est bien plus important. La scène sonore est bien plus large, ainsi que plus profonde, mais dans des proportions plus réduites. Il s’avère toutefois que c’est la signature sonore qui accentue cet effet : les Ref 1 sont plutôt en V, et la chaleur des basses, tout comme la présence des hauts médiums et des aigus tendent à donner l’illusion que le son coule dans tout l’espace.

Avec les Shure, l’espace est plus « carré », plus immersif, les voix et les instruments paraissent plus proches – donc plus faciles à placer – et on perçoit plus de détails. Dans certains cas (par exemple La passion selon Matthieu de Bach), l’impression de réalisme est étonnante. La signature des 846 est à l’opposé de celle des Tralucent, avec une proéminence des médiums qui tend à délimiter chaque voix/instrument.

La seconde différence me semble relever de l’opposition analytique/global. Bien sûr, il ne faut pas rendre ces oppositions absolues, et si les Ref 1 sont des intras qui (me) donnent en premier lieu une appréciation globale de la musique, cela ne veut pas dire pour autant que l’on ne peut y distinguer les inflexions d’une voix (Johnny Cash, Louis Armstrong) ou la précision d’un jeu de guitare (le fabuleux jeu avec les doigts de Mark Knopfler dans Every street). Pareillement, si les Shure me donnent l’impression première d’opérer comme un scalpel, ils m’ont apporté plusieurs fois la preuve de leur supériorité lorsqu’il s’agit de livrer une interprétation géniale par l’addition de petits détails homogènes. On pensera ici par exemple à The package de A perfect circle auquel les 846 insufflent une intensité diabolique, et Sympathy for the devil des Stones ou encore Just like heaven des Cure à l’écoute desquels la vérité des timbres sur la cymbale ou le piano semble hallucinante.

En résumé, les Ref 1 me paraissent être des intras qui retranscrivent une ambiance musicale avec grand talent, tandis que les  846 optent pour une retranscription plus réaliste. J’en profite, en aparté, pour préciser que j’ai ici bien conscience de parler des Shure par rapport aux Tralucent, et non dans l’absolu. Autrement dit, quand je parle d’intras scalpel, analytiques, aux médiums en avant, c’est ce que j’ai ressenti PAR RAPPORT aux Ref 1. Il faut donc minorer cette impression pour avoir une idée plus objective (et voilà accessoirement la raison pour laquelle je ne serai jamais testeur !).

En bonus, voici quelques impressions concernant les différences entre les REF 1 et les 1+2. Les REF 1 ont à mon avis un fort lien de parenté avec les 1+2 (et tant pis si presque tout le monde dit le contraire sur le topic Head-Fi). Quelques améliorations importantes doivent être signalées. Le soundstage des Ref 1 est moins ample que celui des 1+2, mais il acquiert une vraie cohérence et un placement plus précis. Les médiums sont plus en avant, un peu plus charnus, ce qui concourt à proposer des timbres plus réalistes – je pense particulièrement au piano et aux cymbales. Les basses ne sont pas plus puissantes mais ont plus d’ampleur, elles descendent plus bas et ont un peu plus de rondeur. Peut-être suis-je finalement un basshead car je les trouve parfaites alors que d’autres avertissent qu’elles sont trop présentes. Je ne perçois pas de grandes différences dans les aigus, mais ils me paraissent moins métalliques et je n’ai observé aucune sibilance. Bref, revenons à notre comparaison initiale !

En association avec le Sony F 886

Les Shure s’accordent assez bien avec le lecteur Sony, même si je trouve que ce dernier impose trop sa signature légèrement douceâtre et casse un peu la cohérence du soundstage avec sa grande latéralité et sa moindre profondeur. Dans un premier temps, je trouvais l’alliance Sony/Ref 1 peu convaincante – avec un son dépourvu de corps et trop « évanescent » –, mais après une écoute plus longue, je dois reconnaître que j’étais influencé par le son du HM 901. En fait, c’est un très bon combo et les Tralucent améliorent même grandement la perception de la scène sonore, qui paraît acquérir beaucoup plus de profondeur. On peut s’apercevoir ici que dans certains cas, le lecteur tend à imposer sa signature aux intras, quels qu’ils soient ; inversement, certains intras gardent leur signature particulière, branchés à tout DAP. L’alliance lecteur-intras reste une patiente recherche !

La bonne surprise vient de l’utilisation du câble Whiplash avec les Tralucent. Ce câble apporte un gain de précision et de texture énorme, à tel point que l’intra se rapproche du Shure en la matière. L’alliance d’un 846 audiophile avec un REF1 musical ? Le miracle aurait pu se réaliser, si l’ensemble du spectre ne donnait pas l’impression de devenir plus sombre, comme si la musique baissait de trois tons. C’est en tout cas une piste à explorer.

Le son, dans le détail

Les basses : Contrairement à ce que j’ai pu lire dans une review, j’ai le sentiment que les Ref 1 descendent plus bas que les 846.
Cela me paraît net en écoutant par exemple Angel de Massive Attack. Certes, les basses des Shure ont plus de puissance et sont plus sèches, mais il n’empêche que le grondement des infra-basses est nettement plus perceptible avec les Ref 1. Ceci dit, force est de reconnaître que le son est plus charpenté avec les Shure : l’écoute des Stones est plus réaliste et apporte cette tension qui est le propre d’un morceau de rock qui se respecte.

Les médiums : Comme je l’ai évoqué plus haut, ils sont précis, détaillés et bien plus présents chez Shure. On entend immédiatement cette précision dans une voix, une guitare en arpèges, un piano. Ce sont eux qui confèrent ce côté analytique que je trouve un peu oppressant par le fait qu’il capte l’attention et provoque chez moi une fatigue auditive en écoute un peu longue.
Si les médiums sont en retrait chez Tralucent, les hauts médiums eux sont un peu plus en avant.

Les aigus : Ils montent nettement plus haut avec les ref 1, c’est audible dans tous les concertos de Vivaldi par exemple.
À l’écoute des Shure tout semble normal, mais en switchant avec le FIIO HS 2 on retrouve les harmoniques du violon qui donnent la hauteur et la suavité du son.

Conclusion

En ce qui concerne les Ref 1, j’ai bien peur que ceux qui n’étaient pas convaincus par les 1+2 ne le soient pas davantage par ce modèle. Nous avons cependant ici droit à un rééquilibrage réussi et ces intras sont pour moi des références incontestables. Quel travail pour cette marque qui a seulement deux intras au compteur !

Quant aux SE 846, ce sont eux aussi des références grâce à la beauté de leurs timbres, leur cohérence, mais aussi leur réalisme. Avec eux la musique est un plaisir qui coule de source.

Les deux ont des qualités complémentaires et il est agréable de passer de l’un à l’autre selon ses envies. Comme d’habitude, et je le pense vraiment, il n’y a pas de gagnant sinon la diversité des goûts et la progression en qualité d’intras haut de gamme toujours plus nombreux.

Je me hasarderai simplement à penser que les Ref 1 ont une approche plus globale que les SE 846 et qu’en ce qui me concerne, cela correspond plus à mon plaisir d’écoute.
Quoi qu’il en soit ce sont deux des meilleurs intras que j’ai eu la chance d’écouter jusqu’à présent.

3 thoughts on “[Feedback] Shure SE846 vs Tralucent Ref 1”

  1. N’étant pas du tout un utilisateur d’intras, je te salue bien Sausalito pour le travail de test accompli et la belle rédaction qui en découle.

  2. Merci Sausa. Mais, petite question, porquoi avoir dans ce comparo, tilisé un autre cable que le cable stock avec les Ref. 1 ?

    H.

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