[Brèves] Marty #40 : Les dac à échelles : Audio-GD HE-7 et Metrum Pavane

Aujourd’hui, ce sont les convertisseurs numérique-analogique qui sont à l’honneur, avec deux modèles qui sont plus similaires qu’on pourrait le croire au premier abord. Le premier vient de Chine : l’AudioGD HE-7. Le second vient des Pays Bas, le Metrum Pavane. Autour de ces DACs, nous nous intéresserons à leur technologie commune : la conversion numérique -> analogique en R-2R – brève co-écrite avec GourouLubrik.

 

Audio-GD HE-7

La marque chinoise n’est pas réellement une inconnue dans nos colonnes : ses produits sont plutôt appréciés, principalement pour leur conception en « composants discrets » dans le signal audio (pas d’utilisation d’amplificateur opérationnels) et pour leur bon rapport qualité prix.

On ne peut pas parler d’innovation, mais plutôt de synthèse de deux philosophies chères à Audio-GD : d’un côté un DAC utilisant un montage différentiel à base de 8 puces Burr Brown PCM1704u-k (comprendre : un DAC Master-7), de l’autre une alimentation dite régénérative (c’est-à-dire reconstruisant un signal alternatif 50hz parfait avant de le redresser en un signal continu) telle que la marque en produit depuis 2006 (comprendre : une alimentation régulée HE-350).

Le résultat est le DAC le plus haut-de-gamme de la marque à date, supportant les flux PCM jusqu’à 24bit – 192kHz (pas de compatibilité DSD). Il reprend en intégralité ou presque la circuiterie numérique et analogique du Master-7 : le DSP1, qui sert de filtre numérique en entrée (fonctionnement en plusieurs modes : sans over-sampling – NOS – oversampling x2, OS x4 ou OS x8), les 2×4 PCM1704 (qui ne sont produits, officiellement, que pour le support des anciens circuits les utilisant) mis en oeuvre dans un montage différentiels en double-mono symétrique (les PCM 1704 étant mono, on additionne le courant de 2 puces, en symétrique, en stéréo, soit 2*2*2 = 8 puces)  et les 21 circuits d’alimentation séparés, fonctionnant tous en classe A.

Les seules différences résident au final dans l’alimentation régénérative placée en amont des circuits d’alimentation discrets et dans le fait qu’il n’y a pas d’option, sur le HE-7 pour une entrée USB. La dernière entrée numérique est en effet une entrée I²S sur HDMI (similaire à ce qu’on retrouve sur les appareils PS Audio ou sur les DAC Wyred4Sound). Pour faire fonctionner le HE-7 avec une source USB, en restant fidèle au constructeur chinois, on pourra faire appel à l’interface DI-2014.

Ah, certes, il y a bien entendu une dernière différence, la douloureuse : à 3229€ TTC, c’est un bond de 1100€ qui est constaté sur le prix du nouveau venu, déjà disponible.

Metrum Pavane

Metrum est une marque habituée à la production de convertisseurs numérique-analogique N.O.S. Amateurs de fast’n’furious, je vous vois venir : il n’y a pas de protoxyde d’azote ici. Amoureux des loupiotes, ne vous méprenez pas : il ne s’agit pas de New Old Stock non plus. Les DAC N.O.S. (pour Non Over Sampling) sont ceux qui ne font pas de sur-échantillonnage du signal (contrairement à la plupart des implémentation de dac en Delta-Sigma – la technologie ultra majoritaire des dacs).

De par sa conception, le Pavane ressemble beaucoup au précédent modèle phare de la gamme, le Hex, et se place directement au-dessus. L’alimentation est similaire : 3 transformateurs de 15VA, alimentant respectivement la carte « gauche » du DAC, la carte « droite » du DAC et la carte comprenant le filtre et toute la logique de contrôle (sélection des sources, extinction et gestion de la télécommande). L’agencement de la conversion est également semblable : 4 modules R2R doubles par canal, soit 8 puces par côté, fonctionnant en mode différentiel. La compatibilité est la même : du PCM jusqu’à 24bits et 192kHz, pas de DSD, et l’interface USB, propriétaire (originellement, Metrum utilisait une interface OEM M2Tech), est identique.

La première différence saute aux yeux : la présentation est beaucoup plus cossue : plus de capot en tôle pliée, mais des plaques en aluminium usinées pour chacun des côtés et une plaque de verre fumé sur le dessus. De la même manière, la façade présente mieux. La seconde différence porte sur les puces R-2R utilisées : il s’agit cette fois de modules Transient (vendues par ailleurs en OEM pour rentabiliser leur développement), propriétaires et spécifiques, permettant un recul du niveau de bruit. La dernière différence est sans doute le plus gros changement, avec l’arrivée d’une puce FPGA (pour simplifier : une puce de traitement du signal programmable, à l’instar des Xilinx, très répandues) servant de filtre de correction en amont (Forward Correction Module) dont le rôle est de découper le flux numérique et de l’acheminer vers les différents réseaux de résistances en leur permettant, si on en croit Metrum et son designer, Cees Ruijtenberg, de fonctionner sur leur plage de plus grande linéarité.

Difficile de mettre en défaut cette dernière affirmation, mais on attendra effectivement du DAC, qui coute près de 5000€ (4450€ en offre de lancement), un peu plus qu’être (beaucoup) plus classieux que son petit frangin, qui s’est déjà fait une réputation très flatteuse. Reste que les mesures annoncées sont impressionnantes : 120dB de séparation des canaux, une linéarité poussée à -140dB (donc un offset à la limite du mesurable), 0.01% de distorsion harmonique et un niveau de bruit reculant à -145dB. Rien que ça.

R-2R

La sortie imminente de l’épisode 7 pourrait associer l’acronyme R-2R à un droïde, alors qu’en fait il s’agit d’une technique de conversion numérique-analogique, utilisée dans les deux dacs qui sont à l’affiche aujourd’hui. Pour mieux comprendre de quoi on parle plus haut, un (tout petit) peu de théorie.


Rappel sur les signaux PCM

Un signal analogique audio peut être assimilé, en simplifiant au maximum, à une courbe pseudo-sinusoïdale dont la fréquence et l’amplitude varient dans le temps. La technologie de numérisation la plus répandue (le PCM pour Pulse-Code Modulation, en français : Modulation par Impulsion et Codage) consiste à prendre, à des intervalles réguliers, des mesures du voltage de la courbe d’entrée. Deux mesures permettent de qualifier la « qualité » du signal numérique résultant :

  • La fréquence d’échantillonnage, qui va donner la fréquence à laquelle sont mesurés les voltages et permet donc de calculer l’intervalle temporel entre deux mesures (valeur typiques : 44.1kHz pour un CD, 48kHz pour les DVD, 96 ou 192kHz pour les enregistrements en haute définition). Pour des raisons de calcul de phase et de détection des fonts montants ou descendants, la fréquence d’échantillonnage limite également la fréquence mesurable la plus haute. Le théorème de Niquist-Shannon stipule que les fréquences supérieures à ½ de la fréquence d’échantillonnage ne pourront pas être reconstruites par la conversion numérique-analogique.

  • La précision de la quantification, qui va indiquer le nombre de paliers qui vont permettre de coder la hauteur du signal mesuré. Dans le domaine de l’audio, les paliers sont linéaires, l’écart de voltage entre deux paliers étant, pour une quantification donnée, unique. Cette mesure est donné en bits, le nombre de palier étant égal à 2^n, avec n la précision de quantification exprimée en bits. 1 bit = 2 paliers. 16 bits = 65536 paliers, pour ce qui est la valeur de quantification utilisée pour les CD audios.

Les flux numériques représentent une suite de mots binaires, chaque mot représentant un échantillon (la longueur du mot dépend donc de la précision de la quantification). Le signal ne porte pas de codage temporel, c’est au lecteur de reconstruire le comportement dans le temps du signal en adaptant la vitesse de décodage des mots à la fréquence d’échantillonnage. Autant vous dire que le lecteur, il a un peu de pression !

 

L’acronyme R-2R se rapporte à une méthode de conversion numérique analogique utilisant un réseau (plus exactement une échelle) de résistance pour décoder le signal numérique. Historiquement, il s’agit de la première technologie utilisée dans les lecteurs CD, Sony et Philips ayant développé leurs propres puces de conversion (pour Philips, il s’agit de la légendaire série des puces TDA, sur 14 ou 16bits).

L’idée de la conversion par une échelle de résistance est très simple théoriquement, mais complexe à mettre en œuvre : il s’agit de mettre en place un réseau comportant autant de résistances en entrée qu’il y a de bits dans le signal. Chaque bit sera ainsi associé à un poids directement proportionnel au voltage de sortie. La structure des résistances est en cascade, avec des résistances de valeur R (en série sur le signal de sortie) et des résistances de valeur 2R (en parallèle sur les entrées – une par bit, soit une par palier de l’échelle), voilà pour le nom, qui n’est pas l’acronyme version rapeur d’un Réseau2Résistances. Il s’agit donc d’un montage diviseur de tension, le voltage de sortie comportant autant de paliers de valeurs que le nombre de paliers du signal d’entrée (65536 dans le cas typique du CD). La conversion est instantanée et son comportement dans le temps est stable.

La principale problématique est liée à la calibration des résistances : déjà, le comportement du DAC n’est pas monotone vis-à-vis des résistances, puisque celles codant les bits de poids fort (MSB pour Most Significant Bit) auront un impact très grand sur le signal. Les transitions entre les valeurs 0111111111111111 (qui représente le 0 dans un signal 16bits) et 100000000000000 seront considérées comme critiques et pourront occasionner des pics de tension (en fonction de la vitesse des relais). Le comportement linéaire du DAC R-2R (c’est-à-dire que l’écart de voltage entre chaque palier est identique quel que soit le palier pris en compte) nécessitera une calibration des résistances très précise et des tolérances très faibles, cette tolérance devant être d’autant plus fine que l’échelle comporte de paliers (pour une échelle à 10 paliers, une tolérance de 0.1% est très insuffisante).

La plupart des montages R-2R actuels, sont de type sign magnitude, qu’il s’agisse des solutions propriétaires, comme celles de Metrum ou de MSB, ou des circuits intégrés R-2R haut de gamme, comme la PCM1704 de Burr Brown. L’idée est de disposer de deux réseaux, et diriger le signal vers l’un ou l’autre des réseaux en fonction du signe (la valeur du premier bit de chaque mot). Le réseau traitera donc 1 bit de moins, ceci évitant le problème de linéarité autour du 0, puisque le MSB est traité en amont. La nécessité d’avoir un courant en entrée particulièrement stable demeure.

Mais c’est pour une autre raison, liée au cout de développement, que les réseaux de résistances ont disparu petit à petit, remplacés par des puces de conversion de type Delta-Sigma. Celles-ci sont basées sur un principe de sur-échantillonnage puis une conversion de type 1-bit (utilisée parce que totalement linéaire). Le signal d’entrée est transformé en un signal PWM (Pulse-Width Modulation : modulation par largeur d’impulsion) dont la conversion est binaire. Dans un fonctionnement typique, la fréquence de sur-échantillonnage sera directement proportionnelle à la fréquence d’échantillonnage initiale multipliée par (au minimum) la précision de quantification. Il existe aussi des puces delta-sigma fonctionnant sans sur-échantillonnage, mais laissons de côté leur fonctionnement jusqu’à un prochain article.

La différence de fonctionnement entre les DAC de type R-2R et les DAC de type delta-sigma permet de les différencier une terminologie liée au décodage : la conversion delta-sigma étant faite sur 1bit (alors que les DAC R-2R fonctionnent sur plusieurs bits), on les désignera par le sigle de « single-bit DAC », par opposition au « multi-bit DAC » qui décrira nos amis les DAC à échelle.

Cette différence de fonctionnement créée aussi des différences de comportement : alors que le principal problème associé au DAC R-2R est leur linéarité, les dacs delta-sigma, à cause de leur fonctionnement à très haute fréquence, produise un signal possédant énormément de bruit, et nécessitant impérativement plusieurs niveaux de filtrage (numérique puis analogique) permettant de repousser le bruit au-delà du seuil de l’audible (on parle de noise shaping) puis d’appliquer un filtrage passe-bas pour l’éliminer. La solution de l’over-sampling permet de plus facilement repousser le bruit loin au delà des fréquences audibles, au prix de distorsions dont sont exempts les DAC R-2R.

Malgré son obsolescence dictée par des impératifs de rentabilité, et malgré la sortie de puces delta-sigma de plus en plus performantes (la puce Sabre32 en semble l’aboutissement actuel), de nombreux ingénieurs et de nombreux amateurs restent fidèles aux DAC R-2R, tous vantant la qualité du son (ou plutôt critiquant l’inadéquation de la conversion PWM/1bit des flux audio). La disparition des puces poussent les fabriquant restés fidèles aux résistances à suivre 4 voies :
– L’utilisation, tant qu’il en reste, de puces R-2R d’origines diverses (il s’agit le plus souvent de puces AnalogDevices ou de puces Philips TDA) – voie suivie par Abmington Music Research ou Audio Note ;
– L’utilisation de la dernière puce R-2R haut-de-gamme produite, la puce BurrBrown PCM1704 – ce que fait Audio-GD (par exemple dans le HE-7) ou Aqua;
– L’utilisation de réseaux intégrés développés spécifiquement – qu’on retrouve par exemple dans les DACs de Metrum ou de MSB ;
– L’utilisation de réseaux de résistance discrets (avec de « vraies » résistances plutôt que des circuits intégrés) comme sur le TotalDAC ou le projet de carte OEM/DIY de Soekris.

Côté nomade, quelques utilisateurs de puces R-2R : le Tera Player (une puce Philips, référence inconnue, mais proche d’une TDA1543 dans un form factor réduit, dixit Charles Altman), le Hifiman 801 (PCM1704), le Hifiman 601 (TDA1543) ou le Hifi E.T. MA09 (PCM 1704).


Note sur le DSD

Le DSD (ou Direct Stream Digital) est un format d’enregistrement numérique assez différent de ce que propose le PCM. Au final, le stockage est très proche du flux numérique sur-échantillonné envoyé à un DAC Delta-Sigma : un flux en modulation de largeur d’impulsion, échantillonné à 2.8224Mhz.
Conséquemment, il semble évident que les puces DAC delta-sigma sont les mieux placées pour décoder les flux DSD, simplement parce que les DAC R-2R ne peuvent pas traiter un flux PWM. Pour autant, et ce suivant la reconquête dématérialisée du DSD après le relatif échec commercial du SACD (support physique de type compact-disc dont les données étaient stockées sous forme de flux DSD) et l’hystérie marketing l’accompagnant, de plus en plus de DAC de type R-2R affichent une compatibilité DSD. Deux méthodologies possibles :
– Soit le convertisseur embarque 2 puces, une R-2R pour les flux PCM et une delta-sigma pour les flux DSD (on peut citer le dac Digital Processor-77 d’AMR et le Dual DAC de Da Vinci). Certainement le meilleur des deux mondes, mais cela a un prix (élevé) ;
– Soit le convertisseur précède la puce R-2R d’une puce DSP qui va transformer le flux DSD en un flux PCM multibit. Dans ce cas, l’avantage du DSD, discutable par ailleurs, devient nul.

 

3 thoughts on “[Brèves] Marty #40 : Les dac à échelles : Audio-GD HE-7 et Metrum Pavane”

  1. Purée ! Ca c’est de l’article de qualité ! Ca fait bien longtemps que j’ai pas vu d’article sur l’audio aussi développé.

  2. Il y a des gens qui comprennent de quoi ils parlent, ce n’est pas si commun surtout en numérique. Merci pour la synthèse, une page à bookmarquer.

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