Après son récent retour sur l’Audeze Sine, l’un des très rares casques nomades utilisant des drivers orthodynamiques, Kirasd69 revient cette semaine nous parler d’un nouvelle réalisation sortant des sentiers battus. Il s’agit cette fois d’un convertisseur / amplificateur casque sédentaire. Sa particularité ? Il utilise, à un prix raisonnable, la technologie de conversion R-2R réputée musicale… et très chère.
Grâce à Kirasd69 nous allons voir comment Audio GD a pu tenir cet objectif de coût. Le R-2R 11, le dac R-2R pour tous ?
La marque
Audio GD est une marque Chinoise très reconnue dans le milieu audiophile. Il faut dire que la plupart de leurs réalisations sont assemblées à la main, utilisent des technologies propriétaires, très performantes, et, cerise sur le gâteau, se veulent les plus accessibles possible.
Audio GD construit ses modèles par lot de quelques dizaines à quelques centaines d’unités. Pourtant, malgré ces quantités limitées, les électroniques de la marque ne sont pas rares et se trouvent facilement sur le Net.
Bien qu’Audio GD soit une petite structure artisanale cela ne l‘empêche pas de sortir régulièrement de nouveaux modèles et de « surfer » sur les dernières tendances technologiques. Pour autant Audio GD n’oublie pas le passé et souvent leurs réalisations mêlent le meilleur des époques pour des résultats toujours surprenants.
En Août 2017, la marque a lancé son nouveau combiné dac / préampli / amplificateur casque : le R-2R 11, frère presque jumeau du NFB-11. Audio GD a plusieurs fois réalisé des dacs de type R-2R, soit à base de composants discrets (résistances classiques à montage en surface ou traversant), soit utilisant des puces tout-en-un comme la fameuse PCM1704. Avec le R-2R 11, l’objectif a été de rendre accessible au plus grand nombre la technologie R-2R (voir notre encadré pour en savoir plus).
Présentation
Le premier contact avec le R-2R 11 est excellent. Le dac/amp est très bien construit, tout en aluminium noir.
Il donne une impression de déjà-vu : Audio GD n’utilise que trois ou quatre boîtiers pour toutes ses réalisations. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que celui-ci soit le même que pour d’autres modèles.
La construction est très solide, les différentes parois en aluminium font entre 2 et 3mm d’épaisseur.
En façade, on repère tout de suite le potentiomètre de volume chromé très bien usiné, ainsi que les trois interrupteurs à bascule avec, de gauche à droite :
- un sélecteur de sortie permettant de choisir entre la sortie casque ou la sortie RCA (variable ou fixe).
- un sélecteur de gain
- un sélecteur d’entrée (USB, optique ou coaxiale).
On n’oublie pas la prise jack au format 6.35 et une petite led bleue témoin de fonctionnement. On aurait bien aimé connaître le type de fichier décodé ; il va donc falloir faire confiance au logiciel de lecture.
Sur la face arrière sont implantées une prise USB type B, une prise spdif optique ainsi qu’une coaxiale et deux sorties RCA. A l’extrême droite, une prise secteur de type IEC c14 (prise trois pin que l’on retrouve sur les alims de pc) et un bouton on/off. Le R-2R 11 ne dispose pas de mode veille, cet interrupteur est donc le bienvenu.
A première vue, on pourrait penser que le R-2R n’a pas beaucoup d’intérêt. On est limité par le nombre de bits du dac, on ne bénéficie pas des technologies avancées que permet le delta-sigma (filtrage et autres manipulations), et les spécifications « techniques » (distorsion, rapport signal / bruit, …) sont moins bons. Alors pourquoi le R-2R ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’une technique plus « respectueuse ». Les dacs R-2R sont de type NOS : soit Non Over Sampling. Contrairement au delta-sigma, le signal n’est pas ré-échantillonné à haute fréquence. On conserve l’échantillonnage initial de la musique (multiple de 44,1 KHz ou 48 KHz). Grâce à ces moindres manipulations, les R-2R ont une réputation de musicalité élevé et de respect des timbres.
Mais le R-2R souffre d’un inconvénient majeur : Pour avoir de bonnes performances, cette technologie requiert des résistances de grande précision, excessivement chères.
Construction
Plongeons à l’intérieur. Pour commencer nous avons un transformateur toroïdal protégé par un carter. qui génère toutes les tensions nécessaires à l’électronique du R-2R.
Cette électronique comprend :
- Une carte USB / spdif Amanero Combo 384 compatible avec les signaux à 384 KHz / 32 bits et les signaux DSD jusqu’au 256. Les signaux ainsi récupérés sont envoyés à la partie R-2R.
- Le dac R-2R constitué de deux modules (un par canal) appelés par Audio GD « DA-8 ». Chaque module est construit autour d’un groupe de résistances sur 24 bits et d’un CPLD (circuit complexe programmable) de marque Xilinx (modèle Coolrunner II) fonctionnant à haute fréquence (450Mhz).
- Cette puce Xilinx mérite une explication détaillée, car grâce à elle Audio GD a réalisé un petit exploit. Comme expliqué dans l’encadré, un dac R-2R à besoin de résistances ultra précises. Ici Audio GD a pris le contre-pied en employant des résistances bien moins coûteuses, et en compensant le défaut de précision par un algorithme spécifique dans la puce. On obtient ainsi un convertisseur présentant les très bonnes performances des dac R-2R haute précision, pour une fraction de leurs prix. Cerise sur l’Audio GD, cette puce Xilinx permet d’utiliser le même réseau de résistance pour un signal DSD et donc d’avoir du décodage natif.
- Ce dac utilise également une solution d’amplification peu commune. Celle-ci, appelée ACSS, est légèrement similaire à ce que fait son compatriote Questyle. Elle utilise un opamp Texas Instrument TL072 pour le gain en tension et des transistors pour le gain en courant. Cette amplification est de type NFB (Non-FeedBack) c’est à dire sans contre-réaction. Il n’y a pas de condensateur de liaison ce qui permet de préserver la bande passante et de délivrer des graves profonds. Cette amplification en courant permet de driver n’importe quel casque de manière parfaitement linéaire, quel que soit son impédance.
- Le tout est contrôlé par un excellent potentiomètre Alps, très sensible et parfaitement étalonné entre les canaux gauches et droits.
L’écoute
Les écoutes ont été faite avec un Beyerdynamic Amiron et un Audeze Sine.
Toute cette débauche technique est certes impressionnante, mais ça ne nous renseigne pas sur le point essentiel. Qu’est-ce que ça donne à l’écoute ?
Charlotte Gainsbourg – Deadly Valentine. La musique que je suis en train d’écouter au moment où j’écris ces lignes. Le R-2R 11 nous révèle immédiatement une cohérence assez impressionnante. Aucun effet de masque, tous les instruments sont parfaitement identifiables. Il est très aisé de suivre un instrument en particulier si on le désire. Le R-2R 11 est très résolvant. C’est assez impressionnant car à la base, sa conception ne laissait pas présager une telle quantité de détails. Sur cette musique, tout fourmille de détails. Mais surtout, le dac possède un « grain » particulièrement grisant. Oui grisant ! Pour peu que sa signature chaude vous convienne c’est vraiment un sacré appareil.
Hop je viens de changer pour « C’est un pays » de Soldat Louis.
Première chose qui frappe, la douceur. Au début de la musique, une cornemuse joue quelques notes. Sur mon Schiit Modi 2, cette cornemuse est assez criarde et sur le Beyerdynamic Amiron c’est assez désagréable. Sur le R-2R 11, aucun problème de dureté. L’écoute en est reposante. Les guitares ont une texture fabuleuse. Oui j’utilise beaucoup de superlatif mais quand le plaisir est au rendez-vous c’est difficile d’en dire du mal même si tout n’est pas rose, mais on en reparlera.
Faisons un tour par Céline Roscheck avec sa musique « Celtic Battle Dance : Celtic Battle Dance ». Toujours ce grain impressionnant, ici on perçoit nettement la profondeur de la scène sonore. Avec le violon au premier plan, les autres instruments derrière viennent souligner la soliste comme il se doit. Le violon est d’une réelle fluidité. Encore une fois pas la moindre dureté dans la musique. Celle-ci est très fluide. Aucune exubérance. Les autres appareils que je possède ont tendance à gonfler les basses. Ici ce n’est pas le cas : elles ne sont pas la partie principale de la musique et le R-2R 11 le respecte. « Justesse » voilà comment je le qualifierais.
Des basses ? Bien sûr ! Voyons voir… Ah oui Royalston ! Avec « Blight Mamba » de l’album « People on the ground ». Quand il doit se déchaîner, le R-2R 11 sait également y faire. Les basses sont très rapides, parfaitement tenues, un poil sèches mais avec beaucoup d’impact ! Vous aimez sentir votre crâne vibrer ? Le R-2R 11 en est capable ! Mais il sait aussi se montrer sage. Tout dépend de votre casque et du gain appliqué. En Low gain, le R-2R 11 se montre complaisant, en high gain vous saurez ce que sait que de lâcher Cerbère. Bon j’exagère, mais les basses ont un surcroît de puissance en high gain et c’est très plaisant.
Mais il n’y a pas qu’en bas qu’il est excellent. Mister se débrouille très bien quand il s’agit de grimper au sommet. Et comme j’aime les instruments à cordes, quoi de mieux que « Fantasia Chromatica in Dorian Mode » de Alina Rotaru. Une œuvre au clavecin de toute beauté que je vous recommande si vous aimez cet instrument. Ici le côté métallique et pincé du clavecin est parfaitement retranscrit de même que l’ouragan d’harmoniques. Magie du dac R-2R ? Aucune idée, toujours est-il que la restitution est très fine et très joyeuse.
Conclusion
Au final que peut-on bien pouvoir reprocher à cet Audio GD ?
Pas grand-chose à vrai dire si ce n’est l’interface USB : lorsque le taux d’échantillonnage change entre deux titres, on peut entendre un petit « pop » ou grésillement. Sachant que tout le reste est un sans-faute, c’est évidemment un peu dommage. Peut-être que de nouveaux drivers Amanero régleront le problème ?
Puisque qu’on parle de connexion, sachez que le R-2R 11 est un dac 24 bits. Si la carte Amanero est bien compatible avec le 32bits, physiquement le réseau de résistances n’agit que sur 24 bits. De ce fait on constate de meilleurs résultats en paramétrant son logiciel de lecture en 24bits. En 32 bits, une sorte de dureté apparaît. Le R-2R 11 n’est plus aussi fluide. Pour ceux qui le possèdent ou qui voudraient le tester, il est donc vivement recommande de régler le lecteur en 24bits.
Voilà donc un dac/amp qui propose une écoute très musicale et très fluide. Un son chaud, vivant, une finesse à toute épreuve, des médiums « tubesques » vraiment grisants et surtout un prix de moins de 400€. Et c’est justement toute la prouesse d’Audio GD. Une qualité de fabrication exemplaire, des technologies pertinentes et efficaces, une sonorité digne des plus grands pour un tarif accessible. Un grand bravo à Audio GD donc pour ce voyage musical très attachant.
Merci pour ce test !
Excellent retour
et merci pour la découverte d’Alina Rotaru 😉
Jolie travail. Cela donne envie
Ce feed fait oeuvre de diDACtisme à n’en pas douter…
Merci pour la vulgarisation qui permet d’y voir un peu plus clair et de démêler ainsi un peu plus, les méandres d’une technologie électro-audiophile où certains, tel que moi, se perdent ou se fourvoient..
Une fois encore Audio GD est fidèle à sa réputation et TN à la hauteur du sujet.
Bravo !
Sympa ce CR, cela donne envie de tester ce DAC et ce style de conversion D/A
Merci pour ton test
Merci aussi pour l’explication technique!!
Bonjour,
C’est effectivement plaisant de trouver quelques vulgarisations techniques (même si, non, tous les DACs R-2R ne sont pas NOS), ça donne une bonne vision du travail mené par Audio-gd et ça rappelle des bons souvenirs 🙂
En revanche, j’ai une question :
« Cerise sur l’Audio GD, cette puce Xilinx permet d’utiliser le même réseau de résistance pour un signal DSD et donc d’avoir du décodage natif. »
Je ne vois pas comment cela est possible… Un réseau R2R ne saura pas convertir un signal DSD. Les circuits R2R ne savent convertir que des signaux PCM multibits, pas des signaux PDM one bit comme le DSD. Pour que le réseau puisse être utilisé, il semble nécessaire que le FPGA utilisé (la puxe Xilinx) effectue une conversion PDM->PCM du signal, très certainement vers un signal 24 bits. Donc le décodage ne peut pas être qualifié de « natif ».
Je rajoute une précision : « Le tout est contrôlé par un excellent potentiomètre Alps, très sensible et parfaitement étalonné entre les canaux gauches et droits. »
Non 🙂
Si on regarde l’image on voit que le potentiomètre est bas de gamme et surtout … mono 🙂 Pourquoi ? Parce que ce n’est pas lui qui joue sur le volume. Il commande « simplement » les deux réseaux de résistances qu’on voit sur la carte principale (rien à voir avec ceux utilisés pour la conversion N->A), sur la photo (de part et d’autre des gros relais), et qui vont jouer le rôle d’atténuateur. C’est par ailleurs l’une des meilleures manières (si ce n’est que le fonctionnement quantifié et pas continu du réglage peut déplaire) de contrôler un volume.
Alors de ce que j’ai compris de l’utilisation du CPLD Xilinx (par contre me demandez pas qu’elle est là différence entre un CPLD et un FPGA) il contrôle des relais (2 par groupe de 8 bits) et c’est grâce à la rapidité de commutation de ces relais qu’ils peuvent utiliser le réseau de résistance pour du DSD. Seul une petite partie du réseau est utilisé dans ce cas et le réseau n’aurait qu’un rôle de filtre passe bas. (Je me demande si il ne s’agirait pas du petit groupe de 16 résistance au plus proche de la puce Xilinx).
Concernant le potentiomètre, est tu sur de ce que tu affirmes ? Car déjà on ne voit qu’un seul réseau de résistance, le deuxième étant caché en dessous du premier et pour moi le potentiomètre est directement relié à la partie ampli.
De plus, il ne me semble pas que Alps fasse du bas de gamme (car il s’agit bien de la marque Alps).
Ok pour le fonctionnement, même si du coup, ça parait vraiment overkill d’utiliser une réseau R-2R pour faire ça 🙂
Sinon, les FPGA sont un type particulier de PLD, grossièrement, qui peuvent être reprogrammés en cours d’utilisation. Du coup, les coolrunners sont effectivement des CPLD.
Pour le volume, je suis plutôt sûr de moi de ce que j’en vois (pas certain, hein, ce n’est pas moi qui ai conçu l’ampli). Déjà, Alps propose plusieurs gammes de matériel, du très haut de gamme au plus commun. Là c’est du commun et c’est tout à fait normal, il n’y a pas besoin de plus. Pour les réseaux, je pense que tu confonds avec les réseaux R2R de conversion (sur lesquels il y a marqué DA-8). Moi je parle des 2 groupes de résistances qu’on trouve sur cette photo : http://www.tellementnomade.org/audio-gd-r2r-11/audiogd-4/ . Ce sont tous les petits composants qu’on trouve entre et à gauche des condensateurs. Il y en a bien deux (des réseaux).
Par ailleurs, Audio-GD fait ça dans tous ses amplis et préamplis depuis pas mal de temps.
C’est amusant, sinon : ALPS a bénéficié pendant des années des largesse hagiographiques de la presse Hifi, qui se pâmait quant à la qualité de leurs potentiomètres, alors que ça demeure une méthode plutôt médiocre (hormis potentiomètres de légende) pour contrôler un volume.
Je vais rouvrir mon boitier car sur mes photos on voit pas où vont les connexions après le petit connecteur blanc sur la carte principale.
Comment ça ?
On voit qu’on a d’un côté une carte sur laquelle est soudée le potentiomètre.
On voit qu’il y a un connecteur sur cette carte dont seulement 3 fils sont utilisés (il n’y a pas de piste entre le 4ème connecteur, celui en « haut » sur la photo et que potentiomètre).
Potentiomètre 3 fils -> mono.
On voit que ce connecteur est relié à la carte principale, et que juste à côté de ce connecteur, on trouve 2 relais, et 2 groupes de résistances…
Tu veux voir quoi de plus ? 🙂